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Géopolitis21

Le sort des chrétiens au Proche et Moyen Orient

16 Décembre 2010 , Rédigé par hunza Publié dans #Géopolitique

Le sort des chrétiens au Proche et Moyen Orient s’est retrouvé d’actualité en octobre lors de la réunion du synode à Rome et puis lors de l’attaque d’une église à Bagdad par des islamistes se revendiquant d’Al Qaida. Cette terre proche orientale a connu la naissance du christianisme il y a 2 000 ans est en train de voir disparaître peu à peu ses derniers pratiquants à la fois sous, les coups de la terreur mais aussi en raison d’une « réislamisation » du monde musulman.

Après avoir fait un bref rappel sur les différentes formes qu’a pris le christianisme dans cette région, je dresserai un état des lieux de chacun des pays de la région.

 

La chrétienté avant l’islam :

 

Après la mort et la résurrection de Jésus, la religion chrétienne s’est peu à peu étendue à tout le pourtour méditerranéen. Le fondateur de Constantinople, l’empereur romain Constantin  se convertit à la religion chrétienne au début du 4ème siècle. Puis, c’est en 380 que l’empereur romain d’orient Théodose convertit officiellement l’empire à cette religion. Mais des divergences théologiques vont rapidement apparaître provoquant des conciles qui par leur décision vont faire naître des églises dissidentes.

Concile d’Ephèse (431) = il rejette le nestorianisme qui considère que la nature divine et humaine de JC sont distinctes. On retrouve les nestoriens parmi les assyro-chaldéens.

Concile de Chalcédoine en 451 à l’issue duquel des chrétiens se séparent de l’église officielle parce qu’ils refusent de considérer JC comme pouvant être à la fois Dieu et homme puisqu’il est Dieu (monophysisme). C’est le cas de l’Eglise d’Egypte qui devient l’Eglise copte ainsi que celle de Syrie qui se transforme en église syrienne orthodoxe ou jacobite. Sans oublier l’Eglise d’Arménie qui, en 526, s’éloigne elle aussi de Byzance.

Grand Schisme de 1054 = l’Eglise orthodoxe se sépare de l’église catholique sur le question du « filioque » pour devenir l’Eglise grecque orthodoxe. Dès lors Rome, n’aura de cesse de vouloir « récupérer » les chrétiens orthodoxes.

1553 = des évêques assyriens rejoignent Rome et fondent l’Eglise chaldéenne.

1662 = des Syriens orthodoxes rejoignent Rome = syriens catholiques.

1724 = des Grecs orthodoxes rejoignent Rome = on les appelle les melkites.

1740 = des Arméniens rejoignent et fondent l’Eglise arménienne catholique.

1741 = des coptes s’allient à Rome donnant naissance à l’Eglise copte catholique.

 

L’arrivée de l’islam :

 

Les querelles théologiques n’ont cessé de diviser les chrétiens et l’arrivée des musulmans leur permet de se libérer de la tutelle de Byzance. Les populations se convertissent peu à peu à la soit par contrainte soit par choix mais aussi pour échapper au statut de dhimmi.

Les croisades à partir du 11ème siècle placeront les chrétiens d’Orient dans une situation ambiguë car ils peuvent être considérés comme des traîtres puisqu’ils ont la même religion que les croisés.

L’empire ottoman sera relativement tolérant vis-à-vis des chrétiens mais la France se déclarera assez vite protectrice des chrétiens. Ainsi, elle interviendra en 1860 pour mettre fin à un massacre de chrétiens en Syrie et Liban.

 

La décolonisation, le conflit israélo-palestinien, la fin des nationalismes, l’échec du socialisme et la montée en puissance de l’islam politique contestant le modèle occidental sont les raisons actuelles du déclin de la chrétienté en terre d’islam.

 

La Jordanie :

 

Pour une population estimée à 6 millions d’habitants en 2010, on recense environ 170 à 200 000 chrétiens. Ils sont principalement d’origine palestinienne et sont arrivés dans le pays  en 1947 et 1967.

Les grecs catholiques sont majoritaires, puis viennent les catholiques latins, les melkites et les protestants.

L’islam est religion d’Etat (article 2 de la constitution) mais la Jordanie autorise la liberté de religion à condition que les mœurs du pays soient respectés. Toute discrimination au nom de la religion est interdite (article 6).

Tout prosélytisme et conversion sont interdits par le gouvernement.

Au Parlement, 9 sièges sur 120 sont exclusivement réservés aux chrétiens. Si le roi ne peut qu’être musulman, on peut trouver des chrétiens dans le gouvernement, dans la haute fonction publique et aussi dans l’armée. Noël est devenu officiellement jour férié en 1996.

Le pape Benoît XVI s’est rendu en Jordanie en mai 2009 car c’est au mont Nebo que serait  mort Moïse d’après la tradition chrétienne. C’est aussi dans ce pays que Jésus Christ a été baptisé dans les eaux du Jourdain par Saint Jean Baptiste.

Même si les chrétiens ne sont pas inquiétés, la question de l’émigration est très prégnante car ils vivent au jour le jour la présence toujours plus forte de l’islam dans la société. Sans oublier les 70 000 Irakiens chrétiens réfugiés en Jordanie depuis 2003 et qui sont les témoins vivants de ce qu’un certain islam peut apporter comme souffrance.

 

La Syrie :

 

Pour une population estimée à 21 millions d’habitants en 2010, 10 % sont de confession chrétienne mais certains observateurs sont plus pessimistes et parlent de 3 % de chrétiens en Syrie. Ce sont les grecs orthodoxes qui sont les plus nombreux suivis par les Arméniens orthodoxes.

Le régime syrien se dit laïc (référence au baassisme) mais la constitution de 1973 exige que le président soit musulman. Comme en Jordanie, on peut trouver des chrétiens à tous les autres postes importants du pays. Ainsi on compte actuellement 3 ministres chrétiens au gouvernement et 15 députés chrétiens au Parlement. Le gouvernement  subventionne les églises et les chrétiens disposent de leurs propres tribunaux civils. Mais prosélytisme t conversion sont interdits.

Il est à remarquer que le pouvoir syrien contrôle très étroitement les islamistes depuis l’accession au pouvoir du général Hafez el Hassad en 1970. Le massacre commis à Hama en février 1982 à l’encontre des Frères musulmans est de sinistre mémoire. En fait, le pouvoir est entre les mains d’une minorité, les alaouites (10 % de la population syrienne) qu’on rattache un peu vite au chiisme. Face aux sunnites qui représentent presque 80 % de la  population, la minorité alaouite a bien besoin du soutien de la minorité chrétienne. Mais que se passera-t-il le jour les sunnites reprendront le pouvoir aux alaouites ?

Frontalier de l’Irak, la Syrie accueille environ 300 000 réfugiés chrétiens irakiens depuis le début de la guerre en 2003.

Rappelons que c’est sur le chemin de Damas qu’un soldat romain du nom de Saül, le futur Saint Paul, trouve la foi vers l’an 36 et que c’est en Syrie que Matthieu a rédigé son évangile dans les années 80.

 

Le Liban :

 

Comme il n’y a plus eu de recensement depuis 1932, les chiffres actuels sont approximatifs. Pour une population totale estimée à 4.2 millions d’habitants, la faible natalité et l’émigration font que la population chrétienne se situe entre 40 et 45 % alors qu’elle était de 55 % en 1932.

·        900 000 maronites

·        300 000 grecs orthodoxes

·        180 000 grecs melkites

·        120 000 Arméniens catholiques

·        etc …..

Même si le Liban demeure un Etat multiconfessionnel et que le nombre de chrétiens y est encore très élevé par rapport aux Etats voisins, la puissance politique de ces derniers depuis la création de l’Etat libanais (pacte national du 23 novembre1943) s’est amoindri à l’issue de la guerre civile entre 1975 et 1989. Ainsi les accords de Taef du 22 octobre 1989 ont accordé le même nombre de siège au Parlement aux musulmans et aux chrétiens et réduit les attributions du président de la république qui reste toujours dévolu aux maronites au profit du 1er ministre qui est sunnite.

De plus, les chrétiens sont divisés entre ceux qui soutiennent le gouvernement de Saad Hariri (Bloc du 14 mars) et ceux qui suivent le général Aoun qui a fait alliance avec le Hezbollah (alliance du 8 mars). L’une des raisons de cette alliance réside dans la place des chrétiens dans le Liban futur. Tous les chrétiens ont bien conscience que la démographie ne joue pas en leur faveur et qu’un recensement bouleverserait le paysage politique du pays. Les chiites sont probablement majoritaires or ce sont les moins bien représentés au sein de l’Etat. Pourquoi ne revendiqueraient-ils pas le poste de président de la république ? Et celui de chef d’état major aussi dévolu aux maronites ?

Et puis tout simplement quel avenir pour les chrétiens dans une région ou peu à peu l’islam redevient le fondement même de la société. Le Liban est entouré d’Etats à population majoritairement sunnites hormis Israël. Sunnites et chiites se détestent. Or au Liban, les sunnites sont minoritaires. Les chrétiens peuvent donc jouer de cet antagonisme pour préserver au mieux leurs intérêts. Mais cela n’a pas empêché un déferlement de violence dans le quartier chrétien d’Achrafieh (lieu où se situe l’ambassade du Danemark) de musulmans qui manifestaient contre les caricatures de Mahomet le 5 février 2006.

 

La Palestine :

 

On recense entre 60 à 80 000 chrétiens sur une population estimée à 4 millions d’habitants dont environ 3 000 vivent à Gaza mais leur nombre ne cesse de diminuer. Ils vivent principalement à Jérusalem, Ramallah et à Bethléem.

La moitié des chrétiens sont grecs orthodoxes et 30 % sont catholiques.

Sur les 132 sièges que compte le conseil législatif palestinien, 6 sont réservés aux chrétiens dont 5 en Cisjordanie et 1 à Gaza.

Etant en moyenne plus riches et plus instruit que leurs coreligionnaires musulmans, les chrétiens émigrent plus pour trouver de meilleures conditions de vie à l’étranger que pour fuir la montée de l’islam tel le Hamas à Gaza.

 

Israël

 

En 1948, lors de sa création, Israël s’est définit comme l’Etat du peuple juif tout en garantissant la liberté religieuse.

Sur une population de 7.5 millions d’habitants, seulement 150 000 chrétiens vivent dans le pays de Jésus Christ. Ils sont très majoritairement d’origine palestinienne.

 

La Turquie

 

Bien que le siège de l’église grecque orthodoxe soit encore à Istanbul, on recense moins de 90 000 chrétiens dans ce pays de 80 millions d’habitants. Parmi ces chrétiens, la majorité sont des Arméniens au nombre d’environ 60 000.

Au début du siècle, du temps de l’empire ottoman, 30 % de la population était chrétienne. Mais la 1ère guerre mondiale a conduit à l’effondrement de cet empire. En 1915, eut lieu le génocide arménien et, entre 1919 et 1921, la guerre entre les Grecs et les Turcs. Les Grecs ne purent récupérer les territoires qu’ils convoitaient et, après la signature de l’armistice à Moudania en 1922,  de vastes transferts de populations eurent lieu entre les 2 pays. En 1930, une majorité de chrétiens avait quitté la Turquie. Le pogrom d’Istambul en septembre 1955 acheva de convaincre les réticents de partir.

Pourtant la constitution turque garantit la liberté religieuse car le pays est devenu officiellement laïc en 1928 grâce à Mustapha Kemal.

Rappelons que c’est à Constantinople devenu Istanbul que l’empereur romain Théodose fit de la religion chrétienne la religion officielle de l’empire romain en février 380 et que c’est à Antioche devenu Hatay que pour la première fois fut prononcé le nom de chrétien au 1er siècle.

 

L’Irak

 

Selon la tradition, c’est l’apôtre Thomas qui serait à l’origine de l’évangélisation de la Mésopotamie et de la naissance de l’église assyrienne au 1er siècle. La conquête arabe et les invasions mongoles ont dramatiquement diminué le nombre de chrétiens dans la région.

Sous le régime de Saddam Hussein, on estimait la population des chrétiens à environ 1 million sur 23 millions d’habitants. Cette minorité n’était pas particulièrement inquiétée à la différence des chiites. En effet, ces derniers qui représentent 60 % de la population se voyait priver du pouvoir par des sunnites minoritaires.

En 2003, tout va changer avec l’arrivée de l’armée américaine. La dictature est renversée et le chaos va s’installer dans le pays. Très vite, des tensions religieuses que la poigne de fer de Saddam Hussein empêchait vont surgir. Entre les sunnites qui se voyaient dépossédés du pouvoir et les chiites. Mais aussi entre les musulmans et les chrétiens. Et surtout entre les radicaux islamistes affilés à Al Qaida rebaptisé Etat islamique d’Irak et les chrétiens. Les premiers attentats anti chrétiens se produisirent dès 2004 (attaque d’une église à Bagdad en août). Le 14 mars 2008, c’est l’archevêque de Mossoul qui est assassiné. Le 21 octobre 2010, c’est un commando d’Al Qaida qui prend d’assaut une église à Bagdad en causant la mort de 42 personnes dont 2 prêtres.

Pour les chrétiens d’Irak, la guerre menée par les USA au nom de la démocratie a été vécue comme une catastrophe. Car rapidement, la population qui pouvait espérer une amélioration de sa condition de vie a vu le désastre. De libérateurs, les Américains sont rapidement devenus des occupants. Or l’occident est identifié à la chrétienté et donc aux croisés. Et les chrétiens d’Irak, pourtant présent depuis des siècles, se sont retrouvés assimiler contre leur gré aux envahisseurs US ….

En 2005, l’Irak a mis fin officiellement à la laïcité en se dotant d’une constitution reconnaissant l’islam comme source fondamentale de la législation tout en garantissant à chacun la liberté de culte.

En 2010, on estime que la population chrétienne a diminué de moitié en Irak. Beaucoup sont réfugiés en Syrie, en Jordanie et au Liban quand d’autres, plus riches, ont pris le chemin de l’exil vers l’Amérique ou l’Europe. Il est à noter que des chrétiens ont aussi trouvé refuge à l’intérieur de l’Irak au Kurdistan qui est une zone actuellement calme.

 

L’Egypte

 

La tradition rapporte que l’apôtre St Marc aurait fondé l’église d’Alexandrie vers 42. En 491, lors du concile de Chalcédoine, les chrétiens se disputent sur la nature humaine ou divine du Christ. C’est à cette époque que naît l’église copte qui n’accepte pas que le concile rejette le monophysisme. Alexandrie et Byzance ne s’entendent plus et les conquérants arabes profitent de ces discordes. En 639 débute la conquête arabe et l’Egypte va tomber d’autant plus facilement qu’elle accueille les Arabes comme des libérateurs de l’oppresseur byzantin. Avec le temps la plupart des coptes se convertiront. Aujourd’hui il est difficile de dire combien de coptes vivent encore en Egypte. Leur nombre oscille entre 5 et … 10 millions pour une population estimée à 83 millions. Mais, comme en Irak à l’époque de Saddam Hussein, le gouvernement a une propension à minorer le nombre de ressortissants chrétiens.

En 1980, l’article 2 de la constitution énonce que l’islam est la religion d’Etat et la charia la source principale de la législation.

Sur les 444 députés élus en novembre 2005, un seul est copte. Au sein du gouvernement on recense 2 ministres coptes mais dans la vie publique, ces derniers sont écartés de quasiment tous les postes clés de la police, de l’armée et des universités.

Le 6 octobre 2010, une fusillade éclate devant une église en Haute-Egypte et provoque la mort de 6 coptes. Le 24 novembre, c’est la police qui tire sur des coptes qui manifestaient au Caire contre le refus du gouvernement de leur permettre d’achever la construction d’une église.

Le 31 décembre, un attentat revendiqué par Al Qaida est commis à Alexandrie contre une église copte et cuase la mort de 21 personnes.

 

 

Le 15 décembre 2010

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