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Géopolitis21

Le Soudan du Sud, un Etat instable

1 Janvier 2014 , Rédigé par hunza Publié dans #Géopolitique

C’est le plus jeune Etat africain avec une indépendance acquise le 9 juillet 2011 après une vingtaine d’années de guerre civile meurtrières qui aurait causé la mort de 1.5 million de personnes …. Nouvellement souverain, on aurait  pu croire au retour de la paix, à la volonté de tout un peuple fier d’avoir obtenu son indépendance de construire ensemble un pays mais de multiples conflits locaux ont pris la relève et, pire, depuis le 15 décembre 2013, une guerre civile de grande ampleur a éclaté à Juba pour s’étendre dans une grande partie du pays.

 

1) Présentation du Soudan du Sud

 

Soudan du Sud 450 cle07c8a1

 

Géographie :

C’est un pays enclavé de 619 745 km² qui dispose d’une frontière de 1 500 kms avec son voisin et ex ennemi, le Soudan du Nord.

Le climat y est humide et la terre fertile surtout de part et d’autre du Nil Blanc et du Bahr el-Ghazal.

Population :

Elle est estimée entre 8 à 10 millions d’habitants car il n’y a jamais eu de recensement précis. Il y a bien eu, en 2008,  un décompte de la population sud soudanaise organisé par le gouvernement de Khartoum, mais Juba avait refusé de reconnaître les résultats (1).

Le pays compte plus d’une soixantaine d’ethnies dont les deux principales sont les Dinka (environ 25 % de la population) et les Nuers.

Education :

Plus de 70 % de la population est illettrée et il n’y a pas d’investissement … dans l’éducation

Institutions :

Le Soudan du Sud est une fédération formée de 10 Etats avec Juba pour capitale fédérale. Salva Kiir avait été désigné président lors des accords de Navaisha (2) (Kenya) qui préparaient l’accession à l’indépendance du Soudan du Sud. En 2015, son mandat s’achèvera et l’organisation des premières élections présidentielles démocratiques est prévue dans ce nouvel Etat.

Economie :

Le PNB du Soudan du Sud s’élève à 10,22 milliards de $ (3) en 2012 ce qui classe ce pays parmi les plus pauvres.

Son économie est majoritairement agricole puisque plus de 80 % de la population vit en milieu rural. Le pays dispose de ressources hydriques importantes avec la traversée du Nil et du Bahr el-Ghazal mais elles doivent être mises en valeur ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Le sous sol est riche en ressources naturelles : il y aurait de l’or, de l’uranium, de l’argent, des diamants, du tungstène, du quartz, etc … mais seul le pétrole est exploité. Le Soudan du Sud en retire 95 % de ses recettes mais il est dépendant du Soudan du Nord pour son évacuation vers la mer Rouge car il n’existe qu’un seul oléoduc construit du temps où le Soudan ne formait qu’un seul Etat.

 

2) Un conflit larvé avec son voisin et ex ennemi du nord :

 

En fait, Khartoum n’a jamais admis l’indépendance du Soudan du Sud parce que s’y trouvent la plupart des champs pétroliers dont il a du se séparer. Actuellement, 75 % du pétrole de l’ex Soudan se trouve pomper par le Soudan du Sud.

Depuis l’indépendance, plusieurs points de litige restent non réglés entre les deux pays :

-         La délimitation des frontières avec la question de la province d’Habiyé riche en pétrole que revendique le Soudan du Nord et le Soudan du Sud. A l’issue de l’indépendance du Soudan du Sud devait s’y dérouler un référendum d’autodétermination. Le Soudan du Nord contestant le tracé des frontières, il n’a jamais pu avoir lieu et finalement, en mai 2011, il a envoyé ses forces l’occuper militairement.

Les régions du Renk (riche en pétrole et terres arables) et du Kafia Kingi (riche en cuivre) sont aussi disputées.

-         Dans les provinces du Nil Bleu et du Kordofan du sud, dans les monts Nouba, vivent d’anciens rebelles qui ont combattu aux côtés de la SPLA (4) et qui réclament un référendum d’autodétermination car ils n’acceptent pas de se retrouver dans le Soudan du Nord.

-         Le désaccord sur le prix de passage du pétrole via l’oléoduc qui traverse tout le Soudan du Nord jusqu’à Port Soudan d’où il est exporté. Ce conflit a déjà interrompu le transit de l’or noir de janvier 2012 à mai 2013.

Une rencontre officielle a eu lieu à Khartoum entre les présidents du Soudan du Nord et du Soudan du Sud  le 3 septembre 2013 qui permet une reprise du dialogue entre les deux nations et une mise en application des termes de l’accord (5) qui avait été signé à Addis Abeba sous l’égide de l’Unité africaine le 27 septembre 2012.

 

3) Un pays mal stabilisé

 

Malgré l’indépendance attendue par tout un peuple, le Soudan du Sud reste en proie à de fortes tensions linguistiques, religieuses et claniques qui existaient durant la guerre civile.

Déjà, durant les années 1990, la rébellion conduite par John Garang éclata en plusieurs factions dissidentes qui, parfois, combattirent entre elles. C’est ainsi que les Nuers conduits par Riek Machar quittèrent la SPLA majoritairement composée de Dinkas pour lutter contre elle avec le soutien de … Khartoum. Dans les années 2000, les Nuers rallièrent la rébellion mais, pour certains, ce ralliement a paru trop tardif et toute la période où ils ont lutté contre la SPLA n’a jamais été « digérée ».

L’Etat du Jonglei a connu en 2011 et 2012 des affrontements meurtriers (plus de 1 000 morts) entre les Murles et les Nuers suite à des vols de bétails. C’est dans ce même Etat que sévit la rébellion du Mouvement démocratique du Soudan du Sud (6) par David Yau Yau contre le pouvoir.

 

4) Le Soudan du Sud et les USA

 

C’est grâce au soutien très actif des USA que le Soudan du Sud a pu voir le jour.

D’une part, les USA en créant une sécession au sud affaiblissait le pouvoir de Khartoum que les Américains considéraient comme un foyer du terrorisme islamique en Afrique (7) tout comme ils arrêtaient la progression de l’islam vers le sud. D’autre part, avec l’apparition d’un nouvel Etat allié, les USA renforçaient leur présence dans la région alors qu’ils étaient déjà présents au Kenya et en Ouganda.

Il y a eu aussi un engagement très fort du lobby noir américain ainsi que des évangélistes sans oublier les ONG très impliquées au Soudan et la « peopolisation » avec Georges Clooney.

Il faut aussi savoir que John Garang, le très charismatique leader de la lutte contre le Khartoum et chef de la SPLA, avait étudié aux USA.

Et puis, il y a la présence du pétrole très convoité par les Chinois. Ces derniers, du temps du Soudan, l’exploitait majoritairement  via leur compagnie CNPC et,  après l’indépendance du Soudan du Sud, ils continuent de l’exploiter, mais tout ce qui peut gêner les Chinois est bon pour les USA.

 

Israël qui est un allié inconditionnel des USA est aussi présent au Soudan du Sud après avoir soutenu les rebelles sud-soudanais dans les deux guerres civiles qui l’ont opposé à Khartoum. Pour Israël, l’ex Soudan était avant tout un pays arabe ennemi et, actuellement, le Soudan du Nord  est un allié de l’Iran et du Hamas (8).

 

5) Un régime contesté

 

Salva Kiir est le président du Soudan du Sud depuis son accession à l’indépendance. C’est lui qui avait succédé à John Garang qui avait péri dans un accident d’hélicoptère inexpliqué peu après la signature des accords de Navaisha en 2005.

Riek Machar était vice président depuis l’indépendance du Soudan du Sud.

En juillet 2013, Salva Kiir limoge Riek Machar après que ce dernier l’eut accusé de tendance dictatoriale. Alors qu’ils appartiennent au même parti, le SPLM, et qu’ils ont combattu ensemble contre Khartoum à partir des années 2000, Riek Machar s’était mis à contester le pouvoir de Salva Kiir, pouvoir qu’il prétendait trop favorable aux Dinkas qui est l’ethnie d’origine du président, et avait fait savoir qu’il se présenterait contre lui aux élections présidentielles de 2015.

Le 15 décembre, Salva Kiir accuse son rival Riek Machar d’être responsable d’une tentative de coup d’Etat mais aucun élément à ce jour ne prouve qu’il y a bien eu tentative de coup d’Etat …. En fait, il se pourrait que ce soit un prétexte pour éliminer Macher Riek devenu un opposant gênant. En tout cas, si la tentative de coup d’Etat a échoué, elle est le point de départ d’une tragique guerre civile mettant aux prises les partisans de Kiir et ceux de Machar qu’on pourrait assimiler à une lutte entre les 2 plus grandes ethnies du Soudan du Sud, les Dinkas et les Nuers, Riek Machar étant lui même d’origine nuer. Est ce seulement une rivalité personnelle, un conflit dintérêt ou une visioin discordante quant à l'avenir du Soudan du Sud ?

 

Conclusion :

 

Depuis le 15 décembre, le conflit aurait fait des milliers de morts et de déplacés dans un pays parmi les plus pauvre du monde. Les USA qui ont toujours soutenu le Soudan du Sud appellent au calme et semblent, pour l’heure, ne pas être entendu par les deux « chefs de guerre ». Pour les USA, c’est la désillusion, désillusion qui avait commencé dès l’accession à l’indépendance en constatant la corruption du gouvernement et son incompétence car, en deux ans, rien ou presque n’a été entrepris au profit de la population aussi bien dans le domaine de l’éducation, des services que de l’infrastructure (9) ….

Mais ce conflit sinistre peut aussi servir les intérêts du Soudan du Nord qui, comme on l’a déjà dit plus haut, n’a pas vraiment accepté l’amputation de son territoire car l’enjeu pétrolier est crucial pour lui. Il a besoin de continuer de toucher les royalties versées par le passage du pétrole et empêcher la construction d’un autre oléoduc qui permettrait d’évacuer le pétrole vers le port de Loma au Kenya tout en évitant le Soudan du Nord ….

Fin

 

Notes :

(1) =  Recensement de 2008 au Soudan du Sud = 8 260 490 habitants

(2) = Les accords de Navaisha ont été signés le 9 janvier 2005

(3) = banque mondiale

(4) = SPLA ou Sudan People's Liberation Army. C'est le bras armé du SPLM (Sudan People's Liberation Movement) créé le 15 mai 1983 à Gambela (Ethiopie) par John Garang, Salva Kiir, William Nyuon et Kerubino Kuanyin Bol. John Garang en est devenu le chef. Au départ, le but du SPLM/SPLA n'était pas la sécession du sud du Soudan mais de renverser le gouvernement soudanais pour y installer un régime socialiste et  représentatif de tout les Soudanais.

(5) = Cet accord prévoit un règlement de la question d’Habiyé, d’une redistribution plus équitable des revenus pétroliers et d’un abandon par les deux parties du soutien de diverses rebellions.

(6) = Ce mouvement est composé essentiellement de Murles

(7) = Ben Laden séjourna au Soudan de 1991 à 1996

(8) = Des armes à destination du Hamas ont transité et transitent peut être encore sur le territoire du Soudan du Nord.

(9) = il n'y a que 100 kilomètres de routes goudronnées pour un pays plus grand que la France ....

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